Réflexion par Jim Cargin
Artiste: Ela Morawska
Titre: ‘Flowers’ (Fleurs)
Le savez-vous ? Le meilleur moyen d’apprécier une œuvre d’art est… un fauteuil confortable ! Alors s’il vous plaît : prenez place ! Ensuite, sans vous précipiter, laissez votre regard saisir lentement ce tableau. S’asseoir devant une œuvre d’art consiste à observer, contempler. Nous devrions le faire plus souvent : contempler la beauté. La vie est tellement chargée, après tout.
Ce qui m’attire en premier, c’est la vitalité du vert en bas à gauche. Comme un éclat de lumière, il vibre de vie et d’espoir. Puis mon regard se lève et les choses se calment. Le vert devient plus foncé, et le rouge intense est même teinté de tristesse, une tache de sang, peut-être signe d’une tragédie imminente. Et puis, plus haut encore, ce soleil bleu-vert-orange : est-ce un coucher ou un lever de soleil ? Ela Morawska a-t-elle saisi un moment poignant d’un film muet ? Ce tableau a véritablement un « avant » et un « après » : en le contemplant, je vois une représentation sur la vie elle-même : nos vies, pleines de ces instants.
La première fois que j’ai vu le tableau d’Ela dans cette exposition d’œuvres d’art, l’assistant m’a dit que le titre était « Flowers ». Peut-être. Mais je ne le décrirais pas ainsi. Ela, membre à long terme de la communauté de L’Arche de Poznan en Pologne, n’est pas étrangère aux tournants spectaculaires de la vie. Et je me demande vraiment si Ela elle-même, derrière les apparences, n’essaierait pas également de nous communiquer quelque chose d’essentiel à sa propre vie (et à la nôtre…). C’est une femme qui parle peu, -elle est souvent plongée dans ses propres pensées-, qui depuis toujours, vit avec des limites claires dans sa vie, qui concernent son autonomie pratique : alors pourquoi ne pas exprimer sa vision de la vie à travers l’art ?
En contemplant ce tableau, j’en viens peu à peu à l’écouter aussi. Contempler ce qu’elle peut dire. Qu’est-ce qu’Ela veut dire ? Voici ma propre interprétation. Pour moi, Ela a capturé un tournant dans l’histoire de l’humanité : l’instant où le désespoir rencontre l’espoir. Un instant évoqué, de façon tout aussi spectaculaire, mais cette fois sous forme d’un tableau en mots, par le poète gallois RS Thomas dans son poème « The Coming » :
Et Dieu tenait dans sa main
un petit globe. Regardez, dit-il.
Car dans l’eau, il vit
une terre brûlée de couleur
violente. La lumière y a brûlé ;
les dépôts de bâtiments
font de l’ombre ; un serpent
brille. Une rivière
s’est déroulée, rayonnante
de vase.
Sur une colline dénudée,
un arbre dépouillé attriste
le ciel. Beaucoup tendent
leurs maigres bras dans sa
direction, comme s’ils attendaient
qu’un avril disparu
retourne à ses branches
entrecroisées.
Le Fils les observa.
Laisse-moi y aller, dit-il.
Je pense qu’Ela nous invite sur la colline pour révéler son magnifique secret : au-delà de toutes nos différences, quelque chose de fondamental qui nous unit. Prévoyez un fauteuil confortable… nous pourrions passer un certain temps ici…
Jim Cargin est le rédacteur anglophone de l’Équipe de Communication de L’Arche Internationale, et a été le rédacteur des Lettres de L’Arche. Il est membre de L’Arche Bruxelles depuis 2010, après avoir vécu, depuis 1980, dans les communautés d’Inverness, Lambeth, Liverpool, Brecon (toutes au Royaume Uni) puis à Poznan, en Pologne, ainsi qu’au foyer de la Forestière, à Trosly-Breuil. De 2009 à 2011 il a occupé les fonctions de Directeur de la Communication à L’Arche Internationale